um outro mundo/ un autre monde
Os meus olhos, que à primeira vista pareciam normais, tornaram-se estranhamente opacos, adquiriram uma aparência de córnea, como os élitros de alguns coleópteros. O médico pressagiou que eu perdia a vista, confessando, contudo, que o mal lhe parecia absolutamente bizarro (...). Rapidamente a pupila começou a confundir-se de tal forma com a íris que já não era possível discernir uma da outra (...) Observou-se que eu conseguia olhar para o sol sem ficar incomodado. A verdade é que eu não estava nada cego e via muito adequadamente. Alcancei assim a idade dos três anos. Era (...) um pequeno monstro. (...) Tornei-me cada vez mais estranho (...). Aos seis anos alimentava-me quase exclusivamente de álcool, crescia prodigiosamente rápido, era incrivelmente magro e leve. Digo leve, do ponto de vista específico, que é precisamente o contrário dos magros: assim, nadava sem o menor esforço, flutuava como uma placa de álamo, a minha cabeça não afundava mais que o meu corpo. Era lesto de forma proporcional ao peso. Corria com a velocidade de um cervo, percorria facilmente valas e obstáculos que nenhum homem sequer tentava atravessar. Num piscar de olhos alcançava o topo de uma faia ou, ainda mais surpreendente, saltava para o telhado da nossa casa. Porém, o menor fardo era-me excessivo.
Mes yeux, qui tout d’abord avaient paru normaux, devinrent étrangement opaques, prirent une apparence cornée, comme les élytres de certains coléoptères. Le docteur en augura que je perdais la vue ; il avoua toutefois que le mal lui semblait absolument bizarre et tel qu’il ne lui avait jamais été donné d’en étudier de semblable. Bientôt la pupille se confondit tellement avec l’iris, qu’il était impossible de les discerner l’un de l’autre. On remarqua, en outre, que je pouvais regarder le soleil sans en paraître incommodé. À la vérité, je n’étais nullement aveugle, et même il fallut par avouer que j’y voyais fort convenablement. J’arrivai ainsi à l’âge de trois ans. J’étais alors, selon l’opinion de notre voisinage, un petit monstre. La couleur violette de mon teint avait peu varié ; mes yeux étaient complètement opaques. Je parlais mal et avec une rapidité incroyable. J’étais adroit de mes mains et bien conformé pour tous les mouvements qui demandent plus de prestesse que de force. On ne niait pas que j’eusse été gracieux et joli, si j’avais eu le teint naturel et les prunelles transparentes. Je montrais de l’intelligence, mais avec des lacunes que mon entourage n’approfondit pas; d’autant que, sauf ma mère et la Frisonne, on ne m’aimait guère. J’étais pour les étrangers un objet de curiosité, et pour mon père une mortification continuelle. Si, d’ailleurs, celui-ci avait conservé quelque espoir de me voir redevenir pareil aux autres hommes, le temps se chargea de le dissuader. Je devins de plus en plus étrange, par mes goûts, par mes habitudes, par mes qualités. À six ans, je me nourrissais presque uniquement d’alcool. À peine si je prenais quelques bouchées de légumes et de fruits. Je grandissais prodigieusement vite, j’étais incroyablement maigre et léger. J’entends léger même au point de vue spécifique – ce qui est justement le contraire des maigres : ainsi, je nageais sans la moindre peine, je ottais comme une planche de peuplier. Ma tête n’enfonçait guère plus que le reste de mon corps. J’étais leste en proportion de cette légèreté. Je courais avec la rapidité d’un chevreuil, je franchissais facilement des fossés et des obstacles que nul homme n’eût seulement essayé de franchir. En un clin d’oeil, j’atteignais la cime d’un hêtre ; ou, ce qui surprenait encore plus, je sautais sur le toit de notre ferme. En revanche, le moindre fardeau m’excédait.
Un Autre Monde [1895]. J.H. Rosny Aîné.
(9/06/2017)
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